Première grande balade
le Biquet revient à la maison début Août, histoire de faire son kéké devant les filles et petits-enfants, venus en vacances chez leur Mémé. Il va donc souvent à la plage et attend très sagement, attaché à un panneau de signalisation pendant que La Biquette barbote. Il doit essayer néanmoins plusieurs itinéraires, tous plus pourris les uns que les autres, grinçant, gémissant, et couinant de tous ses boulons.
Septembre : il faut se préparer au rassemblement de la Tranche sur Mer, en Vendée, que nous ne voulons rater à aucun prix. C'est l'occasion pour rencontrer d'autres hurluberlus. C'est aussi la première grande sortie du Biquet (je sais, je sais, 80 kilomètres pour vous, ce n'est rien, mais pour lui et moi, c'est important).
Un tantinet stressée, je repère le mieux possible un itinéraire sur la carte Michelin et fais déjà un bout de chemin (la moitié environ), histoire de reconnaître le terrain. Tout se passe bien jusqu'à Dompierre sur Mer et son canal, où je tâtonne un peu, puis jusqu'à Esnande. Mais je décide de prendre finalement la fameuse Vélodyssée, tant vantée par les Offices de Tourisme, qui est censée rallier la Normandie aux Landes, en passant justement par La Tranche et La Rochelle. Chic.
Suffit de suivre l'itinéraire à l'envers.
Le jour J, nous voilà partis avec la remorque, la tente toute neuve, et tout mon fatras.
A Usseau, travaux dans la rue Principale, sol tout déglingué, pas envie de faire demi-tour, pour me retrouver où ? Je demande à l'un des ouvriers du chantier si je peux passer, c'est « oui ». Je m'engage tout doucement et... commence une causette avec un « velotouriste » qui arrive en face. Nous parlons VM bien sûr et itinéraires. Il m'assure alors que la Vélodyssée est en cours d'obturation par une barrière à l'endroit où je pensais la prendre (à Mouillepieds) mais, d'après lui, je peux passer par le chemin de halage qui la suit, tout au bord du Canal de Marans à La Rochelle.
Pendant notre conversation, un gros camion de chantier commence à reculer, droit sur moi, avec des tiiit-tiiiit inquiétants autant qu'insistants. J'ai beau palper et presser mon klaxon, tu parles.... Je ne sais même pas si j'ai le temps de sortir du Biquet avant de le voir totalement aplati.
Heureusement pour nous deux, le monsieur à vélo a bien compris le problème et réussit, en tirant le VM par l'arrière, à le dégager de la route (Biquet, remorque et moi compris). Ouf. Le camion passe, le chauffeur ne s'est aperçu de rien. J'ai le cœur qui palpite un peu quand même.
Vélodyssée Cocasse
Ça y est, nous voilà à la fameuse barrière en bois, magnifique, toute neuve, qui est censée empêcher les voitures de prendre la Vélodyssée. Okay, les vélomobiles, les tandems, les vélos avec remorques pour enfants aussi accessoirement.
Si ce genre de voie verte est faite seulement pour les VTT, ça devrait être indiqué sur les dépliants, bon sang !
Ici, une petite parenthèse, histoire de me venger (hihi). J'ai longé un jour, avec mon vélo droit sur une piste cyclable non accessible aux autres véhicules, un joli feu de broussailles. Et bien, qui ne pouvaient pas atteindre l'incendie, bien coincés derrière de gros rochers, barrières cadenassées et poteaux électriques couchés en travers ? Les POMPIERS avec leurs gros camions et autres 4x4 ! Ouaf ouaf. Et si au lieu d'un banal feu, c'était un blessé grave ?
A l'extrémité de la piste, j'ai croisé un gradé qui s'escrimait avec une barre à mine pour forcer le cadenas de la grosse poutre qui barrait le passage. Il m'a demandé si le feu était bien « par là », et si le chemin était dégagé. M'enfin ! Quelle misère !
Bon, j'en reviens à ma Vélodyssée. Effectivement, impossible de la prendre en Biquet. Je suis donc le conseil de mon sauveur et descend sur le petit chemin de halage, dans l'herbe certes, mais en allant tout doucement, le Biquet et la remorque n'ont pas osé trop se rebiffer. Quelques centaines de mètres plus loin je peux remonter sur la vraie voie verte et c'est un festival d'écluses que je passe au poil près, (heureusement que le Biquet n'a pas grossi comme sa maîtresse cet été ; il serait resté coincé) et de passerelles tout aussi étroites mais sans garde-fou, avec des trous grands comme ça tout au bord du canal. Inconsciente, oui, je sais.
Le revêtement, d'abord en bon bitume (c'est le coin des pêcheurs) va peu à peu se transformer en terre battue, avec de profonds nids de poule par-ci par-là, mais carrossable malgré tout et je peux pédaler assez vite.
A mi-chemin je remarque une voiture (tiens, comment est-elle arrivée là, elle ?) stationnée sous des arbres à côté de la piste. Elle me double un peu plus loin pour s'arrêter à nouveau à l'écart, puis me re-double. Après une écluse je la retrouve sur le bas-côté et un homme me fait signe de m'arrêter très officiellement. Je le prends pour un gendarme ou un truc comme ça et je me demande quelle infraction j'ai pu commettre. Mais non, pas de salut militaire. C'est un élu de Marans qui est intrigué par le Biquet. Nous discutons un bon moment et j'en profite pour lui parler des fameuses barrières infranchissables. Il m'assure qu'il n'y en a plus et que je vais bientôt arriver au grand canal qui rejoint la Vendée.
Tu parles, « pas de barrières » ?
Effectivement, juste avant la ville de Marans, je dois tourner à gauche et suivre (toujours sur la voie pompeusement nommée Vélodyssée -je crois d'ailleurs que je vais enlever la majuscule tellement ça m'énerve-) un canal fort large. Une Barrière double, énorme, ferme le passage en chicane. Je dois descendre, décrocher la remorque, et me glisser entre les deux parties de l'obstacle. De l'autre côté, une piste sableuse, de l'herbe au milieu, en saillie. Pas un arbre, chaleur intense. Et personne. J'ai tout le loisir d'observer des oiseaux magnifiques.
Après plusieurs kilomètres, je commence même à flipper et à me demander si je ne me suis pas trompé de chemin. Au loin, quand même, j'aperçois sous le seul arbre de cette fournaise, quelque chose de vivant : c'est un couple de britanniques qui se restaure à l'ombre. Avec mes pauvres rudiments d'anglais, beaucoup de gestes et leur guide de la vélodyssée (dont les cartes sont à l'envers -normal pour des anglais ?) Nous arrivons à la conclusion :
1. que je suis sur le bon chemin,
2. que bientôt je devrais passer sous la D10A, en empruntant un tunnel idoine, et qu'ensuite ce sera la Vendée avec la voie verte qui continue jusqu'à la Tranche sur Mer.
3. heureusement que les anglais pédalent en France...
Je repars, toujours seule, encore quelques kilomètres jusqu'à l'incontournable barrière de fin de piste. Je descends, décroche la remorque, fais passer les véhicules, raccroche la remorque, remonte dans le Biquet. Et là, il y a une route. Oui, mais dans quel sens la prendre ?? Plus loin, à gauche, une écluse, Plein d'écluses en fait. Mais pas âme qui vive, pas de pancarte. Chaleur toujours intense. Pas de panique. Restons calme. Tout va bien. Carte Michelin. Boussole. Je déduis que « ça » doit être à droite. Allons-y par la droite.
La route passe cette fois au-dessus du Canal par un treillis métallique que le Biquet n'aime pas du tout, puis au-dessus d'un autre canal, puis par une écluse -pas besoin de barrière ici : le chemin est tellement étroit que les voitures restent au pied. Il y a par contre une foule de pêcheurs qui me regardent passer sans un mot.
J'arrive à la fameuse route indiquée par les anglais, elle sert de raccourci « La Rochelle-Nantes » pour les camions et les voitures rapides. Je trouve le tunnel (sans débris de verre, c'est déjà ça) et la traverse par en-dessous.
Il me reste un beau raidillon à gravir et devinez quoi ? Au pied, se trouve l'indispensable barrière en deux tronçons. Je la franchis, donc je m'élance sans pouvoir prendre d'élan dans du sable et de l'herbe, à l'assaut de la côte. Bien sûr moteur à fond, debout (si l'on peut dire) sur les pédales. Le Biquet fait sa mauvaise tête et s'arrête pile au milieu de la montée. J'enclenche le frein à main (patins de la roue arrière) pour le caler, mais dès que je lâche les freins avant, tout se met à reculer dans un bruit de crissement épouvantable.
Les voitures, sur la route à côté, filent et me voient (ou pas) sans pouvoir intervenir. Je ne peux donc pas lâcher ma main droite et crispe la gauche, pour bloquer la roue arrière. Comme je n'ai pas trois bras, je ne peux pas ouvrir le capot et encore moins descendre du Biquet. Grand Moment de Solitude.
Réfléchissons : si je laisse le Biquet reculer tout doucement ? Ben oui, mais je vais encastrer (même « tout doucement ») la remorque dans la barrière. Pas bon ça.
Finalement, le frein arrière bien serré avec le loquet enclenché dans la poignée, je lâche, ça couine mais avec les freins avant serrés à fond par ma main droite, ça tient. Je peux donc soulever le capot et m'extirper rapidement. En m'empressant de caler une roue avec ce que j'ai sous la main : mon sweat... Il faut encore que je décroche la remorque, et la redescende de l'autre côté de la barrière, sur le plat, idem pour le Biquet (j'dois pas avoir l'air cruche, tiens).
Encore une remontée, à pied cette fois, jusqu'en haut de la côte, pour voir ce qu'il en est de la suite : un simple chemin digne d'un sentier de randonnée, avec du sable, des cailloux et l'herbe au milieu. C'est ÇA la fameuse vélodyssée ???
Une seule solution pour continuer : prendre la route, la vraie. Ce que je fais, sur une sorte de bande d'arrêt d'urgence dans un premier temps, doublée par tout plein de véhicules terrifiants et vrombissants. L'avantage, c'est que ça va vite, le revêtement est très bon, pas de piège, pas envie de flâner non plus.
Arrivée au camping de La Tranche sur Mer, l'emplacement prévu, que je dois partager avec Aime-Aile, nous attend (je suis la première). Après avoir cherché en vain la borne électrique pour recharger le Biquet, je déménage en face (sur instruction de la dame de l'accueil, hein, j'aurais pas osé autrement). Batterie branchée, tente installée, tout mon bazar rangé, sac de couchage bien lissé et tout et tout... Mes co-campeurs arrivent et font remarquer, avec raison, que nous sommes bien près de la route, donc du bruit. Il vaut mieux s'installer dans le quartier VIP avec les stars du VM (hihi). Et voilà comment je vois ma tente se carapater (presque) toute seule, c'est à dire au bout des bras de Christian (l'organisateur) et de Aime-Aile.