Portrait : Labiquette

Témoignage de l'anti-héroïne du Vélomobile, genre Carmen Cru (pour ceux qui ne connaissent pas encore, il faut lire la bande dessinée de Lelong...)

A l'opposé de [presque ?] tous les utilisateurs de cette merveilleuse machine, je sais tout juste gonfler mes pneus, et encore ! C'est très difficile avec la roue arrière et le moteur sur son moyeu, car je n'ai pas encore trouvé l'adaptateur coudé qui va bien.

Bref, dès le plus petit incident, je dois user de mon charme (je sais, c'est naturel), pour demander de l'aide.  Heureusement que ces messieurs sont souvent très galants. J'en profite pour les remercier ici.

Car des incidents, j'en ai à la pelle. [Peut-être d'ailleurs que je pourrais en faire un feuilleton ?]

Lorsque j'ai découvert l'existence du vélomobile (merci Pat16), il était manifeste que c'était fait pour moi. Le vélo a toujours été mon moyen de transport privilégié (et pas du tout de compétition). Et mes vieilles hanches ne me permettent plus guère d'enjamber facilement mon bon vieux vélo droit (il n'y a pas toujours une bordure de trottoir ou un rocher à proximité, hi hi).

Le choix du vélomobile

Après une étude approfondie d'expériences diverses sur un forum célèbre, je pose mon dévolu sur un Leiba X-stream d'occasion et je fonce chez Joël Vincent pour l'essayer. Las, après une bonne partie de la journée à régler, rehausser, baisser, raccourcir, fabriquer, souder, visser des tas de trucs dans tous les sens, le Maître du lieu, n'ayant pas pu allonger mes jambes (ce qui aurait été beaucoup plus simple), me laisse repartir, très déçue. Lui, pas moi : je savais que j'aurai un vélomobile un jour.

Effectivement, il me rappelle un peu plus tard, ayant trouvé LA solution avec un Leiba classic qui devrait me convenir, dûment transformé en VM pour Mémé (ce terme n'est pas du tout péjoratif : mes adorables petits-enfants m'appellent ainsi affectueusement).

Enfin, il a fallu quand même quelques aménagements supplémentaires :

Les rétroviseurs se sont retrouvés dans mon dos, à force d'avancer le siège, ce qui n'est pas très pratique. Puis ils se sont mis à réfléchir la lumière aveuglante des clignotants, ce qui me donnait la possibilité, la nuit, soit de prévenir que je tournais, soit de voir dans le rétro si une voiture était sur le point de me doubler, mais pas les deux.

C'était embêtant.

 

J'avais, pour la même raison -c'est à dire l'avance du siège- les manettes de direction au niveau des coudes. Dur dur.

Ce qui ne m'a pas empêché de prendre livraison du Biquet (tous ces inconvénients se sont révélés seulement à l'usage), et de commencer mon apprentissage de nuit pour aller voir le feu d'artifice du 14 juillet à Fouras (2x20 km).

J'avais cru comprendre que les vélomobile sont plus rapides que les vélos droits.  Aïe Aïe Aïe: à 5 km/h, même dans les descentes, je trouvais quand même que mon physique avait beaucoup décliné...  Et bien sûr, mon orgueil m'interdisait de mettre le moteur : il fallait quand même que je force un peu, non ?

Donc, le feu d'artifice a été tiré sans moi, arrivée trop tard. Au retour, panne d'éclairage : clignotants faiblards puis plus rien et feux avant et arrière du Biquet éteints-toujours inexpliquée à ce jour et solutionnée bizarrement à l'arrivée : dois-je accuser un elfe ? un fantôme ?   J'ai accroché comme j'ai pu ma frontale à l'arrière et foncé dans la nuit noire sur des petites routes désertes (et accessoirement très cabossées) ; heureusement Joël m'avait fourni une lampe super performante en plus pour l'avant avec une batterie incorporée.  Cette fois le moteur tournait à plein régime et je n'en menais pas large.

Retour au Mans : le manque d'entrain du Biquet s'est expliqué (dans un premier temps) par un frein qui bloquait une roue, je crois.

Première grande balade

le Biquet revient à la maison début Août, histoire de faire son kéké devant les filles et petits-enfants, venus en vacances chez leur Mémé. Il va donc souvent à la plage et attend très sagement, attaché à un panneau de signalisation pendant que La Biquette barbote. Il doit essayer néanmoins plusieurs itinéraires, tous plus pourris les uns que les autres, grinçant, gémissant, et couinant de tous ses boulons.

Septembre : il faut se préparer au rassemblement de la Tranche sur Mer, en Vendée, que nous ne voulons rater à aucun prix. C'est l'occasion pour rencontrer d'autres hurluberlus. C'est aussi la première grande sortie du Biquet (je sais, je sais, 80 kilomètres pour vous, ce n'est rien, mais pour lui et moi, c'est important).

Un tantinet stressée, je repère le mieux possible un itinéraire sur la carte Michelin et fais déjà un bout de chemin (la moitié environ), histoire de reconnaître le terrain. Tout se passe bien jusqu'à Dompierre sur Mer et son canal, où je tâtonne un peu, puis jusqu'à Esnande. Mais je décide de prendre finalement la fameuse Vélodyssée, tant vantée par les Offices de Tourisme, qui est censée rallier la Normandie aux Landes, en passant justement par La Tranche et La Rochelle. Chic.

Suffit de suivre l'itinéraire à l'envers.

Le jour J, nous voilà partis avec la remorque, la tente toute neuve, et tout mon fatras.

A Usseau, travaux dans la rue Principale, sol tout déglingué, pas envie de faire demi-tour, pour me retrouver où ?  Je demande à l'un des ouvriers du chantier si je peux passer, c'est « oui ». Je m'engage tout doucement et... commence une causette avec un « velotouriste » qui arrive en face. Nous parlons VM bien sûr et itinéraires.  Il m'assure alors que la Vélodyssée est en cours d'obturation par une barrière à l'endroit où je pensais la prendre (à Mouillepieds) mais, d'après lui, je peux passer par le chemin de halage qui la suit, tout au bord du Canal de Marans à La Rochelle.

Pendant notre conversation, un gros camion de chantier commence à reculer, droit sur  moi, avec des tiiit-tiiiit inquiétants autant qu'insistants. J'ai beau palper et presser mon klaxon, tu parles....   Je ne sais même pas si j'ai le temps de sortir du Biquet avant de le voir totalement aplati.

Heureusement pour nous deux, le monsieur à vélo a bien compris le problème et réussit, en tirant le VM par l'arrière, à le dégager de la route (Biquet, remorque et moi compris). Ouf. Le camion passe, le chauffeur ne s'est aperçu de rien.   J'ai le cœur qui palpite un peu quand même.

Vélodyssée Cocasse

Ça y est, nous voilà à la fameuse barrière en bois, magnifique, toute neuve, qui est censée empêcher les voitures de prendre la Vélodyssée.  Okay, les vélomobiles, les tandems, les vélos avec remorques pour enfants aussi accessoirement.

Si ce genre de voie verte est faite seulement pour les VTT, ça devrait être indiqué sur les dépliants, bon sang ! 

Ici, une petite parenthèse, histoire de me venger (hihi).   J'ai longé un jour, avec mon vélo droit sur une piste cyclable non accessible aux autres véhicules, un joli feu de broussailles.  Et bien, qui ne pouvaient pas atteindre l'incendie, bien coincés derrière de gros rochers, barrières cadenassées et poteaux électriques couchés en travers ?  Les POMPIERS avec leurs gros camions et autres 4x4 !  Ouaf ouaf.  Et si au lieu d'un banal feu, c'était un blessé grave ?

A l'extrémité de la piste, j'ai croisé un gradé qui s'escrimait avec une barre à mine pour forcer le cadenas de la grosse poutre qui barrait le passage. Il m'a demandé si le feu était bien « par là », et si le chemin était dégagé.  M'enfin ! Quelle misère !

Bon, j'en reviens à ma Vélodyssée. Effectivement, impossible de la prendre en Biquet. Je suis donc le conseil de mon sauveur et descend sur le petit chemin de halage, dans l'herbe certes, mais en allant tout doucement, le Biquet et la remorque n'ont pas osé trop se rebiffer.  Quelques centaines de mètres plus loin je peux remonter sur la vraie voie verte et c'est un festival d'écluses que je passe au poil près, (heureusement que le Biquet n'a pas  grossi comme sa maîtresse cet été ; il serait resté coincé) et de passerelles tout aussi étroites mais sans garde-fou, avec des trous grands comme ça tout au bord du canal.  Inconsciente, oui, je sais.

Le revêtement, d'abord en bon bitume (c'est le coin des pêcheurs) va peu à peu se transformer en terre battue, avec de profonds nids de poule par-ci par-là, mais carrossable malgré tout et je peux pédaler assez vite.

A mi-chemin je remarque une voiture (tiens, comment est-elle arrivée là, elle ?) stationnée sous des arbres à côté de la piste. Elle me double un peu plus loin pour s'arrêter à nouveau à l'écart, puis me re-double. Après une écluse je la retrouve sur le bas-côté et un homme me fait signe de m'arrêter très officiellement. Je le prends pour un gendarme ou un truc comme ça et je me demande quelle infraction j'ai pu commettre.  Mais non, pas de salut militaire. C'est un élu de Marans qui est intrigué par le Biquet. Nous discutons un bon moment et j'en profite pour lui parler des fameuses barrières infranchissables. Il m'assure qu'il n'y en a plus et que je vais bientôt arriver au grand canal qui rejoint la Vendée.

Tu parles,  « pas de barrières » ?

Effectivement, juste avant la ville de Marans, je dois tourner à gauche et suivre (toujours sur la voie pompeusement nommée Vélodyssée -je crois d'ailleurs que je vais enlever la majuscule tellement ça m'énerve-) un canal fort large. Une Barrière double,  énorme, ferme le passage en chicane.  Je dois descendre, décrocher la remorque, et me glisser entre les deux parties de l'obstacle.  De l'autre côté, une piste sableuse, de l'herbe au milieu, en saillie.  Pas un arbre, chaleur intense. Et personne. J'ai tout le loisir d'observer des oiseaux magnifiques.

Après plusieurs kilomètres, je commence même à flipper et à me demander si je ne me suis pas trompé de chemin.   Au loin, quand même, j'aperçois sous le seul arbre de cette fournaise, quelque chose de vivant : c'est un couple de britanniques qui se restaure à l'ombre.  Avec mes pauvres rudiments d'anglais, beaucoup de gestes et leur guide de la vélodyssée (dont les cartes sont à l'envers -normal pour des anglais ?)  Nous arrivons à la conclusion :

1. que je suis sur le bon chemin,

2. que bientôt je devrais passer sous la D10A, en empruntant un tunnel idoine, et qu'ensuite ce sera la Vendée avec la voie verte qui continue jusqu'à la Tranche sur Mer.

3.  heureusement que les anglais pédalent en France...

Je repars, toujours seule, encore quelques kilomètres jusqu'à l'incontournable barrière de fin de piste.  Je descends, décroche la remorque, fais passer les véhicules, raccroche la remorque, remonte dans le Biquet. Et là, il y a une route.  Oui, mais dans quel sens la prendre ??   Plus loin, à gauche, une écluse, Plein d'écluses en fait. Mais pas âme qui vive, pas de pancarte. Chaleur toujours intense. Pas de panique. Restons calme. Tout va bien. Carte Michelin. Boussole.  Je déduis que « ça » doit être à droite. Allons-y par la droite.

La route passe cette fois au-dessus du Canal par un treillis métallique que le Biquet n'aime pas du tout, puis au-dessus d'un autre canal, puis par une écluse -pas besoin de barrière ici : le chemin est tellement étroit que les voitures restent au pied. Il y a par contre une foule de pêcheurs qui me regardent passer sans un mot.

J'arrive à la fameuse route indiquée par les anglais, elle sert de raccourci « La Rochelle-Nantes » pour les camions et les voitures rapides.  Je trouve le tunnel (sans débris  de verre, c'est déjà ça) et la traverse par en-dessous.

Il me reste un beau raidillon à gravir et devinez quoi ? Au pied, se trouve l'indispensable barrière en deux tronçons.  Je la franchis, donc je m'élance sans pouvoir prendre d'élan dans du sable et de l'herbe, à l'assaut de la côte. Bien sûr moteur à fond, debout (si l'on peut dire) sur les pédales. Le Biquet fait sa mauvaise tête et s'arrête pile au milieu de la montée.  J'enclenche le frein à main (patins de la roue arrière) pour le caler, mais dès que je lâche les freins avant, tout se met à reculer dans un bruit de crissement épouvantable.

Les voitures, sur la route à côté, filent et me voient (ou pas) sans pouvoir intervenir. Je ne peux donc pas lâcher ma main droite et crispe la gauche, pour bloquer la roue arrière. Comme je n'ai pas trois bras, je ne peux pas ouvrir le capot et encore moins descendre du Biquet.  Grand Moment de Solitude.

Réfléchissons : si je laisse le Biquet reculer tout doucement ?  Ben oui, mais je vais encastrer (même « tout doucement ») la remorque dans la barrière. Pas bon ça.

Finalement, le frein arrière bien serré avec le loquet enclenché dans la poignée, je lâche, ça couine mais avec les freins avant serrés à fond par ma main droite, ça tient. Je peux donc soulever le capot et m'extirper rapidement.  En m'empressant de caler une roue avec ce que j'ai sous la main : mon sweat... Il faut encore que je décroche la remorque, et la redescende de l'autre côté de la barrière, sur le plat, idem pour le Biquet  (j'dois pas avoir l'air cruche, tiens).

Encore une remontée, à pied cette fois, jusqu'en haut de la côte, pour voir ce qu'il en est de la suite : un simple chemin digne d'un sentier de randonnée, avec du sable, des cailloux et l'herbe au milieu. C'est ÇA la fameuse vélodyssée ???

Une seule solution pour continuer : prendre la route, la vraie. Ce que je fais, sur une sorte de bande d'arrêt d'urgence dans un premier temps, doublée par tout plein de véhicules terrifiants et vrombissants. L'avantage, c'est que ça va vite, le revêtement est très bon, pas de piège, pas envie de flâner non plus.

Arrivée au camping de La Tranche sur Mer, l'emplacement prévu, que je dois partager avec Aime-Aile, nous attend (je suis la première). Après avoir cherché en vain la borne électrique  pour recharger le Biquet, je déménage en face  (sur instruction de la dame de l'accueil, hein, j'aurais pas osé autrement).  Batterie branchée, tente installée, tout mon bazar rangé, sac de couchage bien lissé et tout et tout...  Mes co-campeurs arrivent et font remarquer, avec raison, que nous sommes bien près de la route, donc du bruit. Il vaut mieux s'installer dans le quartier VIP avec les stars du VM (hihi). Et voilà comment je vois ma tente se carapater (presque) toute seule, c'est à dire au bout des bras de Christian (l'organisateur) et de Aime-Aile.

Bon, si je veux dormir à l'abri, je n'ai plus qu'à débrancher la batterie, ranger sommairement la remorque et reprendre le Biquet pour suivre ma tente.  Ça ne fait que la troisième fois...

Mais le plus beau arrive :

J'avais remarqué, avant de partir de chez moi, que mes pneus avant étaient déjà bien usés. Ce sont des Marathon Plus, donc bien solides, et je n'avais roulé que 500 km.  J'en parle donc dès que possible à Joël Vincent, qui reste dubitatif.

Le lendemain, belle balade avec tous les autres, de 80 km environ (voir les comptes-rendus ailleurs). A l'arrivée, mes pneus ne sont pas seulement usés, on voit le kevlar (ou la toile, je ne sais pas) aux endroits où le caoutchouc a disparu. Il était temps de s'arrêter.

Et là, c'est carrément le défilé devant mon pauvre Biquet qui s'en serait bien passé. L'attraction du camping !  Comment ? 500 km pour des Marathon Plus ?  Mais que fait donc La Biquette avec son Biquet ?  Et ça rigole, et ça se moque.  Je suis bien contrite, honteuse : j'ai rien fait moi.

Pendant ce temps-là Joël est au boulot (ça faisait longtemps...), le VM est installé dans les airs et le diagnostic tombe : les roues du Biquet Louchent.

Joël change les pneus, heureusement encore sous garantie (ah oui, il faut dire que c'est un magicien, cet homme, il sort tout ce dont il besoin de son grand camion) et règle le parallélisme -ce qui n'avait pas dû être contrôlé à l'usine.

Évidement, rouler 500 km en chasse-neige, ça use énormément.

La Batterie qui ne voulait pas se  recharger

Lorsque La Biquette a pris possession du Biquet, dûment électrifié, Joël Vincent lui a indiqué que la batterie se rechargeait dans les descentes.

Ce ne fut jamais très flagrant. Quelques -2, -3, voire rarement -4 watts apparaissaient quelquefois sur l'écran relié au moteur lorsque je pédalais fort ou dans les descentes, mais jamais plus.  J'en avais déduit que c'était, comme souvent, un argument commercial, sans plus et sans beaucoup d'effet. Pas grave.

Comme j'en parlais avec Daweed au téléphone, car un peu inquiète : je dois rallier Nantes pour la Velocity au mois de juin avec une seule batterie, celui-ci parut étonné  et m'a même assuré qu'elle se rechargeait aussi lorsque je freinais. Ah.

Donc, normalement, avec les descentes prévues sur le trajet, je devrais arriver à bon port (camping du petit port, hihi) sans souci.  Futée, j'ai quand même commandé une grosse batterie supplémentaire à Joël, qu'il m'a livrée à Nantes. Heureusement, sinon je n'aurais jamais pu suivre Zenedavtri et Magnum pour le retour à la maison, CQFD.

Je sais économiser (une batterie) et suis arrivée à Nantes sous un déluge de pluie, et plein d'eau sous le pédalier -d'aucuns se sont même moqués de ma "piscine". Il paraît que la flotte passait par le trou du phare.   Il a suffi de percer d'autres trous au fond de "la piscine" pour que tout s'arrange. Enfin, je ne sais pas trop : je n'ai pas roulé  sous une pluie battante une journée entière depuis cette petite transformation.

Dûment guidée dans la ville par mon grand frère nantais, trempé comme une soupe sur son vélo droit tandis que je suis bien à l'abri dans le Biquet, j'entre dans le camping ... par la sortie (ce qui était prévisible, quand on connait mon frère).  Je commence à chercher le bureau d'accueil, trouvant bizarre qu'il ne fût pas à proximité.

Et... j'entends mon nom ! "La Biquette". Une voix tonitruante m'interpelle, audible malgré la pluie qui tambourine sur le capot du VM et venant de l'autre côté de la place : Magnum et Zenedavtri viennent aussi d'arriver, mais par l'Entrée du camping, ce qui est plus conforme et sûrement plus pratique, car ils sont garés juste devant l'Accueil, eux.

Nous avons débarqué exactement en même temps, même si ce n'était pas exactement au même endroit.

Logés dans le même mobil home, nous traversons tout le camping en cortège, ce qui ne manque pas d'une certaine "classe",  discrétion mise à part.

Magnum, très galant, me laisse la Grande Chambre et se retrouve avec Zenedavtri dans une sorte de placard à deux lits, avec si peu de place qu'ils ne peuvent poser leurs bagages. Lorsqu'il apprend que j'ai à ma disposition un lit de "160" avec salle de bain et wc privatifs, il n'en est pas revenu, le pauvre. Merci Magnum, je t'aime.  Je dois dire quand même que j'ai partagé cette chambre deux nuits avec Barbara, notre championne, et que ce fut un immense honneur.

Tout ce préambule pour dire que j'ai eu tout le loisir de parler à Denis de ma batterie récalcitrante : je l'ai bien surveillée pendant tout le trajet. Le Biquet a dû entendre la conversation avec Daweed, il ne rechargeait plus rien du tout, par esprit de contradiction sans doute ; ni dans les descentes, ni en pédalant vite, ni en freinant.

Entre deux sorties pour visiter la ville et les environs et ainsi découvrir les curiosités de la région (et picoler un peu de Muscadet), Zenedavtri s'est très gentiment penché sur ce problème, avec Magnum comme larbin. Il a démonté plein de trucs, soulevé le siège -la galère pour le remettre en place...-, farfouillé parmi les fils et enfin brandi triomphalement une petite pièce en plastique noir en rigolant : "pas étonnant que ça ne rechargeait pas, c'était pas branché" !

l'Envol de la chaussure

Je n'ai pas encore parlé des pédales automatiques. Grand moment.

De ma vie, je n'ai jamais utilisé ces trucs-là et me suis même souvent demandé à quoi ça pouvait servir, à part faire son kéké et se casser la figure (ce qui ne manquerait pas de m'arriver si j'avais l'idée saugrenue de les utiliser sur un vélo droit)

Bon, comme je suis très respectueuse de la parole des "pro" et des anciens, j'écoute poliment les arguments en faveur de ces petites merveilles de la technologie, je vais même jusqu'à acheter une paire de chaussures sur le Bon Coin -qui se révèlera d'ailleurs inadaptée-. Joël (toujours lui) me fournira le matériel adéquat et j'essaie.

J'essaie, mais n'arrive, ni à mettre correctement les trucs sur les pédales, ni surtout à les enlever. Enfin si, j'ai trouvé : j'enlève carrément mes pieds des chaussures et je laisse celles-ci sur les cales, grand bien leur fasse...

Le Hic, c'est qu'il faut donc que je trimballe mes chaussures de ville dans le Biquet [déjà qu'on se moque de mes "pavés", je sais, j'aime le surpoids... fuuuut]

Or, en début de mois, je vais "à la ville" faire mes provisions. Ce jour-là, comme d'habitude, je remplis le Biquet, bien partout, de toute l'épicerie dont j'ai besoin et j'installe par-dessus ma paire de chaussures au moment où je me déchausse pour enfiler les souliers de pro (!)

Je suis pressée car j'aimerais bien rentrer chez moi pour écouter le "jeu des mille euros" (je suis très "vieille France" parfois).

Un peu moins de vingt kilomètres à parcourir, je choisis la route la (presque) plus rapide et je fonce. Et ça va drôlement bien. Vu l'état de la route, il y a bien quelques coups, des grincements, des soubresauts, mais il est vrai que c'est grisant quand même, la vitesse...

Et nous voilà, le Biquet et moi, à fond dans une belle descente (si si, ça existe, même vers chez moi au milieu des marais) lorsque j'entends un bruit suspect et je ressens un sursaut qui m'intrigue (je m'inquiète parce que j'ai déjà perdu une cale comme ça, par l'un des trous du fond -certains mauvais esprits diront que c'était toujours un pavé en moins- hihi).

Je pense alors avec horreur avoir perdu un truc, mais quoi ?

Et pourquoi pas une chaussure ?

Je tâte à ma gauche : j'en ai une, mais où est la deuxième ?  Pour être sûre, je m'arrête dans l'herbe mouillée, je lève le capot -qui me retombe sur la tête, Aïe. Je re-lève le capot en rouspétant-il me re-tombe sur la tête. Ah mais ! Que se passe-t-il ?  Et là, je sens le Biquet qui glisse vers le fossé, large et plein d'eau. Non, mais nom d'une pipe, je ne vais pas en plus rester coincée là-dedans. Il faut être rapide, je joue des freins, pousse et tiens le capot le plus haut possible et m'extirpe très vite (je sais faire maintenant, à force...)

Bon, Biquet à l'abri, loin du fossé, j'examine le problème : le verin, qui est censé tenir le capot levé est cassé à la base. Sûrement dû aux vibrations. 

Mais qu'en est-il de ma deuxième chaussure ? Introuvable.

J'en déduis qu'elle est sur la route et que c'est sur elle que j'ai roulé un peu plus tôt, dans la descente. Elle a dû passer par un des trous du plancher.

Manœuvre périlleuse : je dois faire faire demi-tour au Biquet chargé à bloc (déjà que ce n'est pas facile quand il est vide) sur une route étroite et sans trop me servir des manettes, planquées sous le capot que je ne peux laisser ouvert.

Ça y est, je suis dans le sens inverse, et me voilà qui pédale comme une forcenée, dans la montée cette fois, scrutant la route.

Eh ! C'est une paire de chaussures à laquelle je tiens, elle est presque neuve et je compte bien la garder dix ans au moins, comme d'hab.

Un peu plus loin, un petit tas brun au milieu de la route me redonne espoir, c'est peut-être ça.

Mais une voiture me rattrape, se déporte vers le milieu de la route pour me doubler... Ah non, elle ne va quand même pas rouler sur ma chaussure ?  Je force encore plus fort sur les pédales (et le moteur accessoirement) et là je vois, horreur, ma grole qui s'envole très haut dans le ciel au passage de l'auto.

Elle atterrit heureusement très sagement sur l'autre bord de la route, à deux pas du fossé (décidément). Je n'ai plus qu'à aller la récupérer et à refaire faire demi-tour au Biquet (en écoutant attentivement si une voiture a l'intention de surgir du haut de la côte qui domine).

Croyez-moi si vous voulez, je suis quand même arrivée chez moi  à temps pour le jeu des Mille Euros. Na.

Stationnement à La Rochelle

Un soir après une séance de cinéma à La Rochelle avec mon amoureux, nous passons devant l'ascenseur qui dessert le nouveau parking souterrain du Vieux Port et nous nous amusons à lire les instructions : cet ascenseur ne sert pas seulement aux piétons fatigués ou fainéants, il permet aux vélos d'accéder à un emplacement sécurisé au premier sous-sol (il faut demander au service idoine de la ville la permission et une carte personnalisée).

Je trouve l'idée excellente, mais le Biquet peut-il passer par là ?  Pour être sûr, on entre dans la cage de l'ascenseur et je me mets à mesurer avec les bras et les jambes pour me faire une idée.  A mon avis, c'est trop étroit pour mon vélomobile. Nous descendons alors jusqu'au garage à vélo, fermé par une porte à code et nous scrutons bien pour voir comment tout ça fonctionne.

Ce n'est vraiment pas fait pour le Biquet malheureusement, mais je suis décidée à demander quand même un emplacement dans ce parking.

Ce qui est drôle, mais que nous avons compris plus tard,  c'est que nous devions être filmés, il est 23 heures et les gardiens ont vraiment dû se demander ce que nous faisions, avec nos grands gestes, nos enjambées, nos airs de conspirateurs.

Nous ressortons du parking et continuons dans la rue pour monter dans la voiture de mon ami, garée un peu plus loin. Nous ne sommes pas pressés et prenons notre temps.

Une voiture de la police municipale arrive doucement et se gare juste en face, de l'autre côté de la rue, comme par hasard. Nous discutons entre nous tranquillement du film ou du parking, je ne sais plus.

Au bout d'un moment, mon ami se tourne vers moi et me demande, ingénu, "pourquoi ils nous regardent comme ça ?"  Je ne peux m'empêcher de rigoler, mais maintenant, après les attentats, je me dis que ça ne se passerait sûrement pas aussi bien.

Au mois d'avril 2015 je fais donc une demande officielle pour garer le Biquet bien au chaud dans le sous-sol, avec sa photo à l'appui, en précisant qu'il ne passe pas dans l'ascenseur, ni par la porte du local à vélo, d'ailleurs.

Je suis contactée dans un premier temps par un responsable des services techniques de la ville qui me pose quelques questions et me fait part des ses interrogations car  on lui a demandé d'étudier le problème :

- il faut passer par la rampe d'accès des voitures. Le Biquet pourra-t-il la remonter pour sortir?

            C'est bien vu : s'il faut une dépanneuse pour sortir de là, ça l'fait pas.

- la barrière automatique située au bas de la rampe va-t-elle détecter le vélo et s'ouvrir ?

- l'emplacement dévolu aux motos conviendra-il ?

Il m'autorise à essayer pendant trois mois avant de donner ses conclusions à sa hiérarchie.

J'essaie.  La barrière s'ouvre, le Biquet monte la pente, l'emplacement pour motos convient, et le personnel est aux petits soins.

J'attends donc une confirmation et l'autorisation officielle qui ne vient pas.  Je laisse passer l'été et me rappelle à leur souvenir fin août. Réponse : "Ah mais je croyais que c'était résolu".

Ben non, on m'assure qu'un courriel officiel va arriver.  Rien.

Je renvoie une demande sur le mode humoristique, et là, c'est le responsable de la Police Municipale qui m'appelle. Il veut savoir des tas de trucs que je ne connais pas (puissance du moteur, caractéristiques techniques du Biquet, vitesse, etc etc.) Je lui réponds ce que je sais : c'est un Leiba classic. Point et lui donne le numéro de téléphone de Joël (encore mis à contribution).  Celui-ci me dira plus tard qu'il a répondu à toutes les questions et que tout avait l'air d'aller bien.

Mais bizarrement je n'avais toujours pas d'autorisation.

Jusqu'à ce jour de janvier où une longue lettre d'un adjoint au Maire, chargé du stationnement, m'apprends que je dois avertir les gardiens du parking avant de me présenter, afin "qu'ils m'accueillent dans les meilleurs conditions". J'en déduis que mon Biquet a droit à un emplacement moto, gratuit, dans un parking souterrain gardé au centre ville de La Rochelle.

Chic alors !

Une Guêpe dans le Biquet

Grâce aux trois roues du Biquet, la Biquette ne risque plus de se faire renverser par un chien, chat ou autre animal errant.

Mais il reste le problème des bestioles ailées au dard puissant.  Pris au piège dans le cockpit et si elles ne trouvent pas la sortie rapidement, leur première réaction (et souvent la dernière) va être de piquer la pilote.

 

Une piqûre de guêpe fait très mal (sans parler du risque d'allergie). J'ai expérimenté dernièrement le remède suivant :

1. s'arrêter dès que possible après la piqûre, mais pas n'importe où !

2. avoir sous la main un aspi-venin qui a le mérite -non d'aspirer quelque venin que ce soit- mais de retirer le dard, d'où l'arrêt immédiat de la douleur,

3. de rassurer tous ceux qui s'arrêtent pour savoir ce qu'il se passe et proposer leur aide,

4. sortir la petite boîte pleine de poudre d'argile verte (qu'on a pris soin de remplir et de ne pas oublier) en espérant qu'elle ne se cache pas trop loin,

5. trouver la gourde d'eau -si on n'a pas déjà tout bu- et en verser quelques gouttes sur la poudre en essayant de ne pas trop en renverser, car ça peut paraître bizarre, en sortant du Biquet, d'avoir tout le devant trempé avec une substance verdâtre (ce qui m'est arrivé, vous pensez bien, le siège en garde des traces)

6. touiller ou agiter pour obtenir une pâte tartinable et enduire copieusement l'emplacement de la piqûre -oui, car tout ça c'est quand même pour la piqûre de guêpe, suivez un  peu !

7. repartir gaillardement et renouveler le tartinage dès que l'argile forme une croûte presque sèche, autant de fois qu'on veut.

Effet garanti : à l'arrivée de l'étape, on ne sait même plus où se trouvait le point d'impact du dard.

Obs. 1.  Pour les plus pragmatiques, il existe de l'argile verte en tube prête à l'emploi, ce qui épargne beaucoup des gestes décrits plus haut.

Obs. 2.  L’argile verte fonctionne aussi très bien sur les ampoules aux pieds ou aux mains et pour plein d'autres trucs douloureux. Non, je n'ai pas d'actions chez le fabriquant.

 

 

La Chaîne qui se barre

Mise en confiance par le Trajet à Grande Vitesse (T.G.V. Hihi) Nantes-Ecurie du Biquet au moins de juin 2015, encadrée par Zenedavtri et Magnum, la Biquette se sent pousser des ailes et décide de rallier Poitiers (135 km) avec son Biquet.

Tout se passe bien, mis à part quelques tatonnements dans les villages, en rase campagne ou dans les bois, lorsque les panneaux directionnels se font rares et que le Biquet découvre une cour de ferme déserte, dans un cul de sac, au sommet d'une haute colline couverte par une forêt. Pas d'autre choix que de faire demi-tour, un chien hurleur galopant comme un fou autour du Biquet, histoire sûrement de le motiver pour redescendre la petite route gravillonnée et chercher plus loin la bonne direction.

 

Essayons à gauche au prochain carrefour. C'est là que la boussole prend toute son importance... car la bonne vieille carte Michelin se révèle parfois inopérante, en attendant un GPS fiable  [Ha, parlons-en, ou plutôt, nous en reparlerons plus tard...]

la route retrouvée est bonne et rapide et j'arrive dans la banlieue de Poitiers par un itinéraire sympa, sauf que le revêtement des rues n'est pas forcément très lisses. Et que j'ai dû passer dans un bon gros trou. Le résultat ne se fait pas attendre : saut de chaîne.

Mon premier réflexe (idiot bien sûr) : appeler le Mans. David fait de son mieux pour m'expliquer comment m'y prendre pour arranger ça.  Mais puisque je suis (presque) arrivée à destination, j'appelle finalement mon amoureux qui m'attend, à la rescousse. Comme il est moins bête que moi  -ce n'est pas difficile- il remet la chose en place et découvre alors que l'écrou qui tient la roue arrière est totalement desserré.  D'où je suppose un Biquet brinquebalant et une chaîne vagabonde.

Prochaine étape : trouver une clé plate de 18. Facom -on va pas se priver.

Double avantage : elle me permettra de resserrer ma roue et d'éloigner d'improbables fâcheux.  Bien en main, solide, lourde, juste à côté de moi, ça peut toujours servir....

Je ne vous dis pas mes arrêts tous les dix kilomètres, au retour, pour vérifier, et souvent donner un p'tit coup de clé...

et surtout les regards agrandis des garagistes quand je me pose devant leur porte, sortant du Biquet avec ma clé Facom à la main et demandant une poigne forte pour resserrer (définitivement s'ils le peuvent, parce que quand même, y'en a marre) cette roue récalcitrante.

Le problème sera effectivement réglé plus tard, à Rochefort où j'en profite pour faire changer mon pneu arrière (usé) en faisant mettre carrément de la colle sur le filetage.

Ah Mais !

Claudine Alias Labiquette, article extrait du Vélomobiliste N°4, 2016